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Prendre le temps d’améliorer ses enseignements

Christine Bachoc est responsable d’une UE d’algèbre enseignée aux 150 étudiants de deuxième année de licence de mathématiques. Depuis plusieurs années, elle perçoit chez ses étudiants une difficulté à démontrer et rédiger des preuves mathématiques. Un constat qui l’a emmenée à candidater à l’AAC soutien au renforcement de l’alignement pédagogique pour transformer son enseignement.

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Pourquoi avoir candidaté à l’aAC soutien au renforcement de l’alignement pédagogique ?

J’enseigne les mathématiques depuis plusieurs années et je constate que nos étudiants sont assez bien formés à conduire des calculs et à appliquer des méthodes, mais le plus souvent un peu comme des recettes de cuisine. Dans les faits, nos étudiants savent des choses mais ne comprennent pas toujours pourquoi ils les font ! Or la démonstration de preuves rigoureuses est au cœur des mathématiques, et nécessite de développer ses capacités d’abstraction. Ces compétences sont un peu délaissées maintenant au lycée, qui privilégie le savoir-faire au savoir-raisonner.

Aujourd’hui, les néo bacheliers arrivent à l’université et nous leur demandons d’acquérir ces nouvelles compétences. Plus que le résultat final d’un calcul, ce qui nous intéresse, c’est le raisonnement qui conduit à ce résultat. Mais force est de constater que c’est une démarche complexe à appréhender, et que d’écouter le prof faire des démonstrations au tableau ne suffit pas à se l’approprier ! C’est pourquoi j’ai souhaité les accompagner et, pour cela, faire évoluer mon enseignement.

D’ailleurs, développer le raisonnement logique dépasse l’enjeu des mathématiques, car comme dans n’importe quelle discipline et aspect de la société, si nous voulons arrêter de croire tout et n’importe quoi, il est nécessaire d’acquérir un peu d’esprit critique. Notre rôle, en tant qu’enseignant, c’est de les accompagner dans cet apprentissage.

Mon objectif était donc d’imaginer des activités pédagogiques qui mettent les étudiants en situation de construire des démonstrations logiques et de les rédiger. En arrière-plan, il y a l’idée que, plus on avance dans la licence, plus ces compétences deviennent indispensables. En transformant mon enseignement dès le début de la L2, je souhaite leur offrir une chance de réussir sur le long terme.

Très concrètement, qu’avez-vous mis en place ?

Cette année, nous avons expérimenté en mettant en place 3 séances de TD dédiées aux notions de démonstration et de rédaction. J’ai proposé des exercices très simples mais abstraits aux étudiants de L2, avec la mission de les résoudre et de les rédiger entièrement par eux-mêmes, sans leur apporter de solution mais en validant avec eux chaque étape, et bien sûr en leur donnant quelques conseils sur la façon d’aborder ce type d’exercices.

J’ai tendance à leur dire que personne n’apprend le foot en regardant des matchs à la télé, mais plutôt en jouant sur le terrain ! Pour les mathématiques, c’est identique: on apprend en pratiquant et non en se contentant de lire ou recopier des solutions.

C’est avec plaisir que j’ai vu les étudiants se prendre au jeu et être bien plus actifs qu’à leur habitude. En temps normal, nous interagissons surtout avec les bons élèves tandis que les autres passent la plus grande partie de la séance à noter les solutions des exercices. Lors de ces séances, ils ont été bien plus nombreux à s’impliquer activement.

En parallèle, avec l’équipe pédagogique, nous avons rédigé des fiches conseils pour chercher et rédiger ce type d’exercices. Dans une deuxième phase, nous avons mis en place trois séances de tutorat en classe sur des sujets un peu plus élaborés, toujours sur le principe de travail en autonomie.

Aujourd’hui, je termine à peine de corriger mes copies. Il va désormais être temps de faire le bilan de cette expérimentation, de voir ce qu’il faut conserver, ou faire évoluer par la suite.

qu’est-ce que cette expérience vous a apportée ?

En complément de la journée de formation proposée par la MAPI en octobre dernier, nous allons prochainement commencer l’accompagnement individuel avec une ingénieure de formation. J’espère pouvoir aller plus loin dans ma démarche en reprenant la rédaction des acquis d’apprentissage et en les faisant correspondre avec les objectifs visés.

Au-delà de l’expérimentation, j’ai trouvé intéressant de réfléchir avec mes collègues à ce que l’on attend véritablement des étudiants et à ce que nous pouvons et devons faire évoluer pour les embarquerAu quotidien, on ne se donne pas toujours les moyens et le temps nécessaire pour réfléchir à notre pédagogie et expérimenter alors que c’est vraiment enthousiasmant.