Ils ont quasiment tous fait le déplacement en ce mois d’octobre, certains venant de loin : les 34 premiers diplômés de la licence du Cycle pluridisciplinaire d'études supérieures (CPES) de Bordeaux ont participé à une cérémonie en présence du vice-président de l’université en charge de la formation, du proviseur du lycée Montaigne et du secrétaire général adjoint de la région académique. « Cela faisait chaud au cœur de les voir avec leur famille, visiblement très fiers de leur diplôme », se remémore Antoine de Daruvar, coordinateur pédagogique de cette formation portée par l’université en partenariat avec le lycée Montaigne de Bordeaux.
Ce type de cérémonie est plutôt rare au niveau de la licence, mais pas surprenante pour une formation atypique à bien des égards. « Nous avons entamé en 2021 une réflexion autour de ce dispositif national, explique Samuel Maveyraud, le responsable de mention, et nous avons lancé en 2022 cette licence pluridisciplinaire autour des transitions environnementales et sociétales articulée autour de quatre thématiques : vivre durablement, produire mieux, vivre mieux, et vivre ensemble. Une formation dans laquelle interviennent des enseignants-chercheurs de l’université mais aussi des enseignants des classes préparatoires du lycée Montaigne ainsi que des professionnels du monde socio-économique. »
Une remarquable personnalisation du parcours
« Nous avons appliqué à cette formation les principes du programme NewDEAL, en permettant aux étudiants de personnaliser leur parcours au maximum », précise Samuel Maveyraud. « C’est ainsi qu’un étudiant de première année, quelle qu’ait été sa spécialisation au lycée, peut piocher parmi des enseignements extrêmement variés - droit, gestion, chimie, biologie, sciences de la Terre… - avant de choisir, en deuxième année, un itinéraire disciplinaire plus précis, cette discipline représentant alors la moitié de ses enseignements. »
Un format idéal pour Lucie dont le cœur balançait, à la sortie de terminale, entre les maths et les sciences sociales. La jeune fille a alors envisagé « une prépa BL » sans être tout à fait sûre de pouvoir tenir le rythme. « Mais surtout, j’étais vraiment intéressée par le développement durable, je voulais aborder les notions de décroissance, de sobriété, et c’est ce que j’ai trouvé dans le CPES », précise-t-elle. « D’ailleurs, notre cursus a pu générer un peu d’éco-anxiété chez certains d’entre nous, mais c’était un passage sans doute nécessaire de prise de conscience globale avant de se concentrer, non plus sur les limites et les problèmes, mais sur les solutions. » En deuxième année, Lucie a opté pour un itinéraire en biologie. Désormais, elle poursuit ses études en master de gestion de l’environnement à l’Université Jean Moulin Lyon 3.
En Master, l’embarras du choix
C’est l’autre succès de cette licence de CPES bordelaise, outre l’enthousiasme qu’elle a suscité chez ses premiers « cobayes » : tous les diplômés ont pu accéder à l’un des masters qu’ils convoitaient, à Bordeaux ou ailleurs. Raphaël, après un itinéraire droit-science politique, a été admis en master d’études du développement à Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il se souvient de ce moment un peu étrange dans un salon de l’étudiant où il s’était rendu pour témoigner en cours de formation : « des lycéens nous demandaient quels seraient les débouchés de cette licence, mais je ne savais pas quoi répondre, puisqu’on était les premiers… Maintenant, je peux leur dire : on a tous eu un master qui figurait dans notre top 5 sur la plateforme MonMaster ! ». De fait, 94% de ces diplômés se sont déclarés satisfaits ou très satisfaits du master vers lequel ils se sont dirigés.
« Cette promo a un peu essuyé les plâtres », concède Antoine de Daruvar. Pour autant, les étudiants ne l’ont pas du tout vécu comme ça : « les enseignants nous demandaient régulièrement comment on se sentait, ce qui nous intéressait le plus, on a eu le sentiment de co-construire la formation avec eux », souligne Raphaël. « Les profs nous poussaient vraiment à faire ce qu’on aimait. Je me suis sentie écoutée, encadrée, encouragée », complète Lucie. Un accompagnement sur mesure d’autant plus précieux que ces étudiants, une fois sortis du cocon de la première année, se retrouvaient parfois, selon leur choix d’itinéraire, un peu isolés dans de grands amphis en deuxième année, aux côtés d’étudiants au parcours plus classique. « Dans ces moments-là, on se rendait compte à quel point notre formation était spéciale », se rappelle Raphaël.
Un laboratoire d’innovation pédagogique
J’ai trouvé remarquable la façon dont nous avons été accueillis et soutenus par l’ensemble des collèges de formation, ce qui nous a permis de mettre en place cette transversalité encore assez rare à l’université.
Trois collèges et neuf unités de formation engagées au sein de l’université de Bordeaux*, des stages tout au long du parcours et une mobilité internationale pour la moitié des étudiants en troisième année, un apprentissage en mode projet avec des cas ancrés dans le territoire local, quatre commissions pédagogiques par an… Le CPES s’est avéré un formidable laboratoire pédagogique dont Antoine de Daruvar espère qu’il connaîtra à l’avenir un changement d’échelle, afin que davantage d’étudiants en profitent et n’aient pas besoin de faire un choix trop brutal au sortir du lycée.
« Cet accompagnement des jeunes, au-delà de leur performance académique, cela me semble primordial : assurer leur épanouissement, le développement de la confiance en soi, c’est le plus beau cadeau qu’on puisse leur faire. Et pour nous autres enseignants, les rendre ainsi acteurs de leur formation, c’est une démarche franchement jubilatoire ! »
*Collèges DSPEG, ST et SH ; UF de chimie, d’informatique, de mathématiques et interactions, de physique, de sciences de la Terre et de l’environnement, de biologie, facultés de sociologie, de droit et science politique, d’économie, gestion et AES.