En ouverture, les enseignantes-chercheuses qui ont conduit ce séminaire, Aurélie Bugeau (Collège sciences et technologies) et Marie Lamarche (Collège droit, science politique, économie et gestion), ont dévoilé les résultats d’une enquête menée auprès de différents professionnels pour mieux connaître leurs attentes vis-à-vis des jeunes diplômés, obtenant confirmation d’une évolution notable sur le marché du travail : les entreprises et les collectivités cherchent bel et bien des jeunes recrues dotées de compétences nouvelles liées aux transitions environnementales et sociétales, qui leur permettront de s’adapter à des métiers en pleine mutation.
De leur côté, les étudiants manifestent, eux aussi, un intérêt croissant pour ces sujets. Ils modifient progressivement leurs comportements au regard des enjeux de transition, accordent de plus en plus d’importance à leur formation dans ce domaine, et se montrent attentifs à la manière dont les entreprises intègrent ces enjeux dans leur fonctionnement. Un intérêt et un engagement qui se heurtent parfois à des réalités contrastées, qu’il s’agisse de l’hétérogénéité des profils étudiants selon les disciplines de formation ou de l’impact de la précarité sur certains d’entre eux.
Une transformation qui interroge les pratiques pédagogiques
Du côté des enseignants-chercheurs, les interventions et retours d’expérience ont montré l’apport considérable des approches pluridisciplinaires et de la collaboration entre collègues issus de différentes composantes, dont ce premier module d’enseignement constitue, d’ailleurs, un excellent exemple : neuf séances pluridisciplinaires co-construites par 35 experts et diffusées dans une dizaine de composantes depuis janvier 2025. La formation des étudiants à l’esprit critique, à la culture de la complexité et à la déconstruction des discours (notamment face au greenwashing) a été identifiée comme une priorité.
Toutefois, la complexité des enjeux soulevés bouscule parfois les habitudes pédagogiques et invite à redéfinir les postures. Quelle légitimité pour aborder des sujets aussi vastes ? Comment enseigner sans tomber dans l’injonction ou l’expertise unique ? Comment transmettre sans simplifier à l’excès ? L’un des défis majeurs s'avère celui de l’harmonisation : l’appropriation des enjeux est encore inégale d’une composante à l’autre, et les modalités d’enseignement et d’évaluation ne sont pas toujours stabilisées.
L’absence de moyens supplémentaires alloués par le ministère complique encore le déploiement. Certains collègues peinent à se saisir du sujet, parfois faute de temps ou de repères, et certains étudiants se sentent encore à distance de ces problématiques, pour des raisons souvent légitimes. Par ailleurs, la place de la pluridisciplinarité dans les maquettes fait encore débat face à la nécessité de préserver un socle disciplinaire solide.
Des leviers pour faire émerger une réponse collective
L’université de Bordeaux dispose cependant d’atouts majeurs pour répondre à ces défis. Sa richesse disciplinaire constitue un terreau fertile pour l’interdisciplinarité. L’engagement de nombreuses équipes pédagogiques, appuyé par des dispositifs institutionnels structurants, montre qu’un mouvement est en cours. L’établissement a su faire preuve de souplesse et d’agilité, grâce aux marges de manœuvre trouvées dans les maquettes de formation et à l’adossement constant à la recherche, qui permet de faire des transitions un objet de réflexion autant qu’un levier pédagogique.
La dynamique est lancée, structurée et collective. L’université de Bordeaux poursuivra l’accompagnement des équipes pédagogiques pour la mise en œuvre des modules socles, l’intégration des transitions dans les disciplines et la stabilisation des équipes enseignantes.
La mobilisation d’un réseau important de professionnels avec qui les équipes pédagogiques peuvent interagir sur les besoins de compétences (via les conseils de perfectionnement), la valorisation des initiatives dans les composantes et l’implication croissante des étudiants sont autant de forces sur lesquelles s’appuyer pour faire des transitions un levier de transformation durable de l’enseignement supérieur.
Des outils qui font leurs preuves
Un atelier « posture » (60 participants) et un espace Moodle (145 inscrits), véritables boîtes à outils dédiés à l’enseignement des transitions, ont permis d’accompagner les collègues en charge de ce nouveau module. Par ailleurs, les chantiers de transformation pédagogique sont soutenus par différents leviers internes, comme le programme STEP, les congés pour projet pédagogique (CPP) ou les ENLIGHT Incubator Grants.
Plusieurs projets emblématiques ont déjà vu le jour, qu’il s’agisse d’un cycle de conférences, d’un espace de formation interdisciplinaire ou de la création de modules sur mesure dans les composantes.
Expérimentation : des étudiants forment leurs pairs
Dix étudiants du Cycle pluridisciplinaire d'études supérieures (CPES) formés, en 2025, aux enjeux des transitions environnementales et sociétales enseigneront eux-mêmes le module « Introduction aux enjeux des transitions environnementales et sociétales » aux étudiants qui leur succèderont à la rentrée 2025.